We are makers !

 


A l'occasion du lancement du tout nouveau site dédié à notre option STEM et à quelques semaines de l'appel à candidatures pour le recrutement des élèves qui vont intégrer l'option en 3e, il nous semblait intéressant de tirer un bilan de ce projet né il y a cinq ans.  

Monsieur Janssens, le professeur qui chapeaute cette approche depuis le début, a accepté de bonne grâce de jeter ce coup d'œil dans le rétroviseur avec nous et, surtout, de jeter les ponts pour l'avenir...

- Monsieur Janssens, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?


Je m'appelle Pierre Janssens. J’enseigne les mathématiques depuis bientôt quinze ans à l’Institut de la Providence Champion. Avide de nouveaux challenges, j’ai eu la chance de pouvoir participer à de nombreux projets au sein de notre école (Laboratoires créatifs, Classes projets, Erasmus, STEM, projet Anupis…). Le projet STEM est l'un de ceux qui me tient le plus à cœur.



- Vous semblez être tombé dans la potion "STEM"...  A l'école, on vous connait d'ailleurs  comme le "geek" de la bande...  D'où vous vient cet attrait pour les nouvelles technologies ?


Il fut un temps (fort fort) lointain où mes parents nous avaient offert un commodore 64 (fleuron de la technologie à l’époque) dans l’espoir que nous apprenions l’anglais. Je l’ai effectivement appris, mais beaucoup plus tard. C’est sur cette machine mythique que j’ai écrit mes premières lignes de code. Ma passion pour l’informatique est née en cachette. Le temps est passé. Une fois adulte, j’ai ressenti le besoin de créer toutes sortes d'objets. Sous l’égide d’un ami électronicien (dont j’ai presque épuisé la patience), j’ai commencé l’apprentissage de l’électronique. Un premier microcontrôleur Arduino m’est passé sous la main, ouvrant la voie à d’innombrables possibilités de création. J’ai ensuite acquis une imprimante 3D, une deuxième, puis une découpeuse laser… Aujourd'hui, j’ai plus de projets dans mes tiroirs que de temps pour les concrétiser.


- A l'origine du projet, en 2018, notre établissement s'est posé en précurseur du côté francophone..  D'où est né ce projet ? 


Le projet STEM est né aux Etats-Unis en 2010. Les Américains avaient réalisé que la pénurie des métiers STEM entraînait un lourd déficit de productivité. Il aura fallu attendre quelques années avant que cette pédagogie du projet ne franchisse l’Atlantique. C’est lors d’une visite avec notre ancien directeur, monsieur Mertens, que nous avons découvert toute sa portée.


- Quels sont les apports pédagogiques d'un tel projet ?


La grande particularité de la pédagogie STEM, outre le fait qu’elle mélange sciences, technologie, engineering et mathématiques, c’est qu’elle s’appuie sur les projets des élèves. C’est une grande source de motivation. L’enseignant n’impose rien, ne guide pas même s’il sait que la voie empruntée mène à une impasse. Il agit plutôt comme un coach qui veille au respect du timing, comme un ouvrier qui exécute certaines tâches trop dangereuses ou difficiles, mais en aucun cas il ne s'impose dans la concrétisation du projet.  



“C’est en forgeant que l’on devient forgeron” dit l’adage. Cette maxime est parfaitement adaptée aux STEM.


“C’est en forgeant que l’on devient forgeron” dit l’adage. Cette maxime est parfaitement adaptée aux STEM. Exit les cours ex cathedra, l’élève abordera de lui-même les éléments théoriques utiles au gré des besoins posés par son projet. L’une des finalités de cette pédagogie est l’autonomisation. L’élève  apprend à apprendre. Outre les concepts théoriques abordés, il apprend également à maîtriser les outils mis à sa disposition: modélisation et impression 3D, découpe laser, menuiserie… 


Une autre finalité importante, trop peu enseignée à l’école, est l’apprentissage de l’échec. Il fait partie intégrante de toute démarche scientifique. En STEM, il est valorisé. Tous les projets n’aboutissent pas, mais le chemin parcouru est souvent riche d’apprentissages : développement de l’esprit critique, capacité à collaborer et à communiquer, esprit de synthèse, etc.



- Une des particularités de l'option STEM est de décloisonner les matières.  Vous êtes ainsi plusieurs professeurs des différentes disciplines à encadrer les élèves de la 3e à la 6e.  Peux-tu les présenter ainsi que préciser les rôles de chacun ? 


Madame Vanesse (professeure de sciences) et madame Beguin (professeure de mathématiques) chapeautent les élèves de STEM 3. Outre l’aide apportée dans leurs branches respectives, elles sont également un précieux soutien lorsqu’il s’agit de redynamiser certains projets ou d’organiser des visites extérieures. Il en est de même pour madame Bataille (professeure de mathématiques) et monsieur Lemarque (professeur de sciences) en STEM 4. J’assure pour ma part la partie technique des différents projets. 


L’expertise de chacun dans sa matière est une vraie plus-value. De plus, si la pédagogie STEM déborde de bénéfices pour nos élèves, elle est très chronophage et énergivore pour l’équipe enseignante. Une telle entreprise ne pourrait être pérenne sans le concours de plusieurs enseignants.


Les élèves de STEM 5 et de STEM 6 ne bénéficient par contre plus de ce coenseignement.  Ils n’en ont plus besoin. C’est un aboutissement en soi et une grande satisfaction pour toute l’équipe éducative que de voir des élèves persévérer dans l’option et faire montre de tant d’autonomie. Il n’est pas rare que les élèves de STEM 5 et STEM 6 nous impressionnent par la qualité et l’ingéniosité de leur réalisation. C’est pour nous la récompense suprême.



- Cette option STEM s'adresse-t-elle à tous ?  Quelles conditions faut-il remplir pour s'y inscrire ?  


L’option STEM est accessible dès la 3e année sur simple dépôt d'une candidature avec lettre de motivation. Il n’est pas nécessaire d’avoir la “bosse des math” ou d’être abonné à “Sciences & Vie” depuis sa tendre enfance pour accéder à l’option. Contrairement à ce qui se murmure dans les couloirs de l’école, il n’est même pas nécessaire d’être un “bon élève”. Bien au contraire, certains élèves en difficulté à l’école se sont déjà avérés être de redoutables makers une fois dans l’atelier. 


Nonobstant, une certaine volonté d’entreprendre et l’esprit d’initiative sont un plus. Si la pédagogie STEM cultive ces deux qualités, force est de constater que les élèves plus entreprenants de nature s’épanouissent davantage dans l’option. Ceux qui embrassent cette option doivent être conscients que même si toute l’aide nécessaire leur sera apportée, rien ne sera fait à leur place. 



Il n’est pas rare de les entendre justifier leur désintérêt pour les STEM du fait que ces options seraient davantage pour les garçons. C’est absolument faux.


- Selon les études, les filles restent encore minoritaires dans les filières STEM.  Cela se marque-t-il chez nous ? 


Les filles apportent une réelle plus-value à l’option tant par leur manière d’aborder leur projet que par leur personnalité. Elles sont souvent plus organisées et plus rapidement autonomes. Malheureusement, elles deviennent effectivement minoritaires dès la STEM 5. Les préjugés ont la peau dure. Il n’est pas rare de les entendre justifier leur désintérêt pour les STEM du fait que ces options seraient davantage pour les garçons. C’est absolument faux. Tous peuvent s’épanouir indifféremment dans notre option. A ce sujet, les mentalités doivent évoluer. Nous ne sommes pas des geek enfermés dans un atelier à réaliser des projets que nous seuls pouvons comprendre. Nous sommes des chercheurs passionnés qui œuvrons pour mettre à profit tout ce que la technologie et les sciences ont à offrir.


- Que mettre en place pour changer cet état de fait ?


Une communication plus assidue sur notre option aiderait certainement à faire bouger les lignes.


- Nous voici cinq ans plus tard.  Quel bilan tirer de ces cinq années ? 


Ces cinq années furent absolument magiques et notre option STEM est vraiment devenue la source d’une grande fierté. Partis de rien ou presque avec une classe de 25 élèves, nous voici à la tête d’un navire abritant six classes et plus d’une centaine d’élèves. D’innombrables projets ont été menés, des élèves las du système scolaire classique se sont littéralement envolés dans l’option, une véritable mentalité STEM s’est peu à peu forgée. “We are makers !”


- Une production ou un moment fort à épingler ?


Un événement parmi d’autres cristallise pour moi ce que l’option peut faire de mieux. Les STEM 5 attendaient patiemment que je leur ouvre la porte de l’atelier. De loin, déjà, je les entendais discuter de leur projet. Une fois la porte ouverte, ils se sont installés autour de la table. L’un deux a sorti quelques plans dignes d’un architecte d’une farde et un planning. Ils se sont répartis les tâches et chacun s’est ensuite levé pour accomplir son travail. Ce jour-là, je n’ai pas donné cours ; ce jour-là, pour la première fois, j’ai été me faire un thé et j’ai observé leur ballet bien rôdé. Je jubilais intérieurement. Comme des diamants tout frais sortis de la montagne, ils brillaient de ce que la pédagogie STEM fait de mieux. Cette année-là, nous avons présenté un véritable robot de combat à la journée découvertes et je le confesse, avec fierté, je n’ai absolument rien fait pour les aider. 




- Depuis la rentrée, vous avez emménagé dans un tout nouvel espace.  Pouvez-vous nous en faire la visite guidée en quelques mots ? 

Nous avons été gâtés. Outre les deux classes réinventées, nous disposons aujourd’hui d’un véritable atelier où les travaux pratiques peuvent être réalisés confortablement sans peur de déranger d’autres classes (sauf peut-être la fois où un petit coup de disqueuse a répandu une odeur d’incendie dans tout l’établissement). 


Les classes réinventées, richement équipées d'un mobilier adapté et d’ordinateurs dernier cri, permettent aux élèves de développer leur projet dans des conditions idéales. Les puissants ordinateurs dont elles disposent leur offrent aussi le loisir de programmer ou de modéliser en 3D. L’atelier est plutôt réservé aux tâches bruyantes ou salissantes. L’imprimante 3D y tourne quasiment à plein temps. En 5 mois, elle totalise déjà 65 jours d’impression non-stop. 


- Qu'apporte ce nouvel environnement de travail ?


Disposer d’un tel espace de travail est un vrai luxe. Nous mesurons notre chance. Les STEM 3 et 4 étant nombreux, il permet une répartition confortable des élèves. Il offre aussi la possibilité de dissocier les tâches manuelles sans interférer avec les tâches plus intellectuelles. Enfin, un espace de stockage dans la cave nous permet de conserver les plus beaux projets afin d’exposer notre savoir faire aux générations STEM futures. C’est une source de fierté tant pour les élèves que pour l’équipe enseignante.  



- Le mur de l'espace "classes réinventées" est orné d'un grand STEAM".  Que signifie ce "A" ?  De quelle manière articulez-vous cette composante "Artistique" avec les autres ?


La technologie et l’art sont loin d’être antagonistes. Une solution efficace peut aussi être belle. Ici encore les filles se distinguent régulièrement. Une équipe de STEM 4, par exemple, a récemment réalisé une maquette du système solaire dont la touche artistique n’échappera à personne. Nous allons également collaborer avec le groupe "graff" dans le cadre de certains projets (surprise). Tant que faire se peut, nous essayons toujours de donner un bel aspect aux différents objets réalisés. Ceci étant, cet aspect de la pédagogie STEM est encore nouveau pour nous et sera développé dans les années à venir.


- Des projets pour la suite de l'aventure ?


Depuis cinq ans, nous avons vraiment le sentiment d’avoir évolué en flux tendu. Après moult déménagements successifs, le nouvel espace mis à notre disposition va nous laisser l’opportunité de nous poser un peu avant d’envisager la suite. Les nombreux projets en cours demandent une logistique importante (achat de matériel, découpes dangereuses à réaliser par les enseignants, débuggage de programmes, suivi des impressions 3D, etc.) que nous devons améliorer. Nos STEM ne réalisent pas toujours l’important travail qui est abattu pour eux en coulisses. Cette réorganisation faite, nous passerons à la vitesse supérieure. 


Certains enseignants viennent délibérément nous voir avec des demandes de projets. Nous souhaitons promouvoir cette pratique afin que l’option soit réellement au service de l’école. Cela demandera une logistique plus importante bien sûr mais s’avèrera très motivant pour les élèves. 


- Comment suivre vos exploits ? 


Via notre compte Instagram ou notre site internet. Les élèves désireux de nous rejoindre peuvent aussi, sur demande, venir nous rendre visite. Enfin, la journée découvertes constitue la plus belle vitrine de notre option. A cette occasion, les élèves peuvent présenter leur travail et effectuent la synthèse de tous les concepts théoriques qu’il a demandé.






(...) une simple idée peut devenir un objet tangible après quelques heures de travail… We are makers !


- Le mot de la fin ?


Nous sommes entourés de technologie, nous l’utilisons tous les jours. Il existe deux catégories d’utilisateurs : les simples consommateurs et les makers. Nos STEM 6 le prouvent à chaque atelier, rejoindre notre option c’est apprendre à démystifier la technologie, entrer dans un monde où une simple idée peut devenir un objet tangible après quelques heures de travail…


We are makers !




Interview : Céline Brijs
Photos : Pierre Janssens

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